CONCOURS – VIVRE SANS VOITURES

Lieu

Luxembourg-Limpertsberg

Architecte associé

Georges Reuter architectes

Année :

2011

Promenade

L’avenue Pasteur accompagne le rythme des densités urbaines variables du Limpertsberg. Partant du Glacis avec une importante densité, l’emprise au sol du bâti ainsi que ses volumes s’allègent au fur et à mesure de l’avancement vers le point ‘haut’ du quartier.

Ayant franchi le segment le plus dense, caractérisé par la verticalité du volume de la rue, la première respiration apparait au changement de direction, avec la cour d’école Henri VII. Les imposantes couronnes d’arbres définissent non seulement un espace de loisir, mais introduisent un nouveau langage de ‘voisinage’, qui se poursuit avec les majestueuses couronnes d’arbres longeant la façade arrière du lycée de garçons. Cette portion de paysage, face au bâti, confère le juste équilibre à la rue.

Par ricochet, la prochaine respiration est offerte par les passages entre les trois bâtiments qui forment actuellement le front de rue de notre site dans l’avenue Pasteur. Façade qui doit notamment faire face à deux immeubles qui ont chacun deux niveaux de plus que le gabarit donné par la Ville de Luxembourg.

Début d’une nouvelle histoire

Nous considérons que cette ouverture fait beaucoup de bien au développement de la rue, nous souhaitons donc en faire notre première intention citadine. La lumière du soleil peut ainsi continuer à égayer la rue, le sentiment de générosité pour les piétons se fait jour en laissant apparaître la profondeur de l’îlot vert et son orientation favorable au soleil.

Notre site offre le loisir d’avoir aussi un accès à la rue Ermesinde. La même notion de respiration peut y être appliquée. La percée qui existe aujourd’hui offre, certes ponctuellement mais nonobstant, une belle luminosité. Ici se situe l’unique maison que nous allons conserver sur le site. Elle incarne cette attitude éminemment typique de l’habitat urbain à Luxembourg, à savoir aboutir un ensemble de trois maisons, inséré comme une seule entité entre deux passages latéraux.

Voilà donc établi le contexte dans lequel nous puisons nos intentions urbaine, architecturale et paysagère afin de développer un habitat généreux, autant envers les rues adjacentes que généreux envers ses futurs hôtes. Libéré de la contrainte d’un balisage fondamentalement axé sur la voiture, le but de notre recherche est de poursuivre les notions de respiration et de luminosité à l’intérieur de l’îlot, afin de trouver le juste équilibre entre le paysage et le construit, d’y amener le repos et la sérénité.

Les pignons habités revêtent leur rôle de façade

Afin de cadrer dignement les ouvertures sur rue si convoitées, de ne pas les situer entre des segments d’immeubles mais de créer une unité parmi les diversités attenantes, nous désirons ‘habiller’ les mitoyens en reproduisant l’essence même de la maison que nous gardons dans la rue Ermesinde. Nous allons nommer dorénavant ces maisons des ‘pignons habités’. Leurs façades principales sont orientées en face l’une de l’autre, c’est à dire parallèlement à la rue. La typologie et la position des ces bâtiments leur confère un rôle presque de signalétique pour le nouveau lieu de vie. Ils introduisent un langage architectural, inattendu grâce au contexte insolite du ‘vivre sans voitures’.

Dans l’avenue Pasteur la notion de jardin, par le biais des arbres (robinia pseudoacacia, familiers à nos contrées, choisis pour la hauteur libre de leur tronc, ­ca 2.00 m et la finesse de leur feuillage), rejoint les pignons habités pour définir un volume de rue généreux. Les deux principaux pignons habités accueillent des commerces en leur rez-de-chaussée et alimentent ainsi la vie citadine, des appartements aux étages. Le grand s’adapte à son voisin avec une hauteur de 4.8 niveaux. Le petit fait de même avec une hauteur de 3 niveaux pleins et un jardin terrasse en toiture.

Nous avons envie d’insérer dans ce contexte de ‘façade jardin citadin’ sur l’avenue Pasteur une salle transparente. Elle est située derrière les arbres, mais agrémente encore le trottoir de sa présence. Elle est très facilement accessible pour le public et confère néanmoins déjà une ambiance de pavillon au bord d’un petit parc. Un beau rideau coloré et sur toute la hauteur lui permettra de s’isoler, tout en offrant une discrète scénographie à son entourage.

Dans la rue Ermesinde l’ouverture prend la nature d’une brèche dans l’ensemble des maisons mitoyennes. Elle laisse pénétrer la lumière du soleil dans la rue et elle cadre la vue à découvrir vers le cœur du nouveau lieu d’habitation. Les deux très fins pignons habités, l’un nouveau et l’autre épuré, offrent deux unités inaccoutumées d’habitation – travail.

Le fil d’Ariane

En entrant dans le site par l’avenue Pasteur, la notion d’ouverture se poursuit grâce à deux directions générées par la géométrie du contexte, et concrétisées par des pergolas fleuries. Elles introduisent une nouvelle perception par le choix de matériaux aptes à un contexte sans voitures. Les surfaces minérales sont claires, faites de pierres reconstituées, elles ne doivent pas craindre des tâches d’huile moteur, et elles alternent harmonieusement avec les surfaces végétales. Les joints entre leurs dalles sont perméables à l’eau de pluie, ainsi aucun caniveau ou autre accessoire de ‘rue’ ne dérangera le regard. Les limites entre le minéral et le végétal peuvent rester fluides. Les piétons et les vélos peuvent cohabiter en toute simplicité dans cet environnement. Pour assurer une mobilité différente, mais toute aussi propre, silencieuse et facile à maîtriser, nous offrons le car-sharing avec des ‘smart fortwo electric drive’.

Nous introduisons dans ce lieu naissant une génératrice, le ‘fil d’Ariane’, qui nous permet, en nous basant sur la cohérence du site, de composer l’architecture et le paysage en créant une respiration maximale entre les bâtiments et une exposition optimale des pièces de vie au sud-ouest. Cette générosité va se vivre entre autre à travers des ‘places paysage’ de 30 m sur 25 m, bordées par les façades rigoureusement orthogonales. En avançant le long du fil d’Ariane, le végétal va d’ailleurs prendre le pas sur le minéral.

Nous considérons que pour atteindre l’équilibre entre le bâti et le paysage, nous pouvons concevoir quatre entités architecturales à la suite de nos pignons habités. Trois immeubles, qui accueilleront six appartements chacun, se déclinent le long du fil d’Ariane. Un groupe de sept petites maisons mitoyennes vient aboutir l’ensemble au cœur du terrain, seul endroit ou intervient la topographie. En réaction, les maisons sont ordonnées en split-level, ayant un rez-de-jardin, et donc un jardin, plus bas que leur entrée en rez-de-chaussée.

Les hauteurs des immeubles vont decrescendo en avançant dans le site. Le plus proche de

 

 

de fond de scène de la façade sur rue. D’ailleurs nous proposons que son rez-de-chaussée accueille des commerces de quartier tout comme les pignons habités.

Les deux bâtiments suivants se contentent de 3 niveaux pleins et de jardins terrasses en toiture. Les petites maisons unifamiliales finalement s’insèrent, avec leur 2.5 niveaux à partir du rez-de-chaussée, dans le contexte résidentiel de la rue Ermesinde.

‘Luxe, calme et volupté’ l’invitation à l’habitat

Dans le nouvel ordre établi, l’équivalence entre l’architecture et le paysage forge  l’identité de l’ensemble. Les ‘places paysage’ deviennent des lieux de rencontre et de passage, des lieux pour séjourner et pour jouer, des lieux d’ombres et de lumière, des lieux contemplatifs et calmes pour les appartements.

La très importante décision à prendre, balcons ou loggias, nous conduit vers les réflexions suivantes :

Des balcons en avant-corps sur les façades exposées au meilleur ensoleillement auraient entraîné d’une part des ombres portées, désagréables entre voisins, sur ces mêmes façades et auraient d’autre part entravé la distance appropriée entre deux bâtiments d’habitation.

Des loggias, creusées dans le volume bâti, nous auraient également contraints à accroître la profondeur des bâtiments, et par conséquent à diminuer la longueur des espaces extérieurs, ou bien à réduire l’actuelle générosité des espaces de vie. Sans oublier que le choix de la compacité du bâtiment favorise l’accès à la classe énergétique A, et permet de réduire le coût de construction sans aucunement entraver la qualité de vie proposée.

Ainsi nous avons décidé de proposer, des grandes baies vitrées coulissantes, 2.40 m de largeur, qui offrent l’ambiance de la loggia à l’intérieur du séjour, derrière un garde-corps vitré, et donnent l’impression que chaque appartement peut s’approprier complètement l’espace extérieur, dans le respect de la communauté et de sa propre intimité. Donc la générosité de la surface du séjour ne doit pas se réduire à la taille d’un balcon pour p. ex. s’installer à table. Souvent l’espace extérieur privatif sert aussi de ‘zone tampon’ pour se protéger un tant soit peu du bruit de la rue, ce dont nous n’avons pas besoin dans le nouveau contexte du vivre sans voitures.

Le fait de prévoir un tout petit peu plus d’organisation pour le nettoyage des vitres à l’extérieur, ne peut empêcher l’accès à tous les avantages énoncés.

Outre l’ensemble des aménagements extérieurs publics, les habitants de trois bâtiments auront à leur disposition des jardins en terrasse, communs aux parties respectives. Ainsi, sur la totalité des 6’970 m2 du terrain, nous proposons 5’450 m2 de surface de loisirs, dont 3’150 m2 d’aménagement vert et 2’300 m2 de dallage perméable.

Le langage architectural, le choix des matériaux et des couleurs de façades, variations sur un thème, lient les appartements à leur entourage.

Le thème: toutes les ouvertures sont à hauteur d’étage, puisqu’elles s’ouvrent sur des espaces calmes sans voitures.

Les variations: les façades nord et orientées vers les parcelles latérales sont des façades ‘lourdes’ avec un nombre réduit de baies alors que les façades ensoleillées et orientées vers nos places sont des façades ‘légères’ avec les grandes ouvertures coulissantes et des panneaux pleins en verre émaillé. (Vous trouverez le descriptif technique des compositions de façade et leur performance énergétique dans les fiches xls demandées.) Le choix du verre, matériau durable et recyclable par excellence, unifie la texture des façades et permet de rendre les couleurs choisies vives. Celles proposées actuellement se veulent gaies et prêtes à se parfaire au soleil couchant à travers les couronnes d’arbres.

La disposition des appartements est toujours ‘traversante’, les pièces de nuit plus fermées, les pièces de vie orientées vers la lumière. Les rez-de-chaussées d’habitations sont surélevées de 70 cm par rapport au terrain naturel pour garantir leur tranquillité. La fluidité entre le végétal et le minéral (buis alternant avec dallage) nous permet, sans chemins tracés, d’éloigner naturellement les passants des fenêtres des appartements.

Nous sommes malheureusement obligés d’enlever un magnifique arbre sur le terrain pour pouvoir offrir les proportions des places et l’ensoleillement que nous considérons optimaux pour assurer la qualité de vie dans les appartements. Outre les 20 nouveaux robiniers, nous replantons trois arbres solitaires, des tilleuls à petites feuilles, à très faible risque allergique, dont les couronnes d’arbres sont complémentaires aux trois bâtiments résidentiels. Leur ombre invite à jouer à la pétanque.

Nous profitons du décroché de la limite du terrain vers la rue Ermesinde pour proposer une aire de jeux pour les enfants du quartier. Séparés des jardins des maisons adjacentes par la pergola fleurie, à l’intérieur de l’îlot, ni appartements, ni maisons n’ont de vues directes sur cet endroit, les enfants peuvent ainsi se défouler à l’aise.

La ‘niche’ en face, de l’autre côté des maisons split-level, point le plus bas du terrain s’avère être le seul endroit dans tout le site que l’on ne sera jamais amené à traverser. Située en bout des rampes er terrasses plantées de lavande, qui rejoignent les aménagements extérieurs du voisin, elle sera parfaite pour abriter une alcôve secrète au milieu d’un massif de Buddleia et d’Hortenses.

Enjeux et Objectifs – ‘payer moins pour avoir plus’

Dans l’espoir que ce concept puisse satisfaire à vos attentes, toutes les amorces données dans le domaine du développement durable et des énergies renouvelables pourront être définies lors de la prochaine étape.

Pour la phase II du concours, nous avons souhaité garantir une symbiose entre le bâti et le paysage, basé sur la spécificité du site et le contexte particulier du programme.

Nous considérons que pour atteindre cet objectif, garant de la qualité de vie à atteindre, il est important de réaliser moins de volume bâti que ne l’autoriserait le règlement des bâtisses. Le quartier du Limpertsberg doit pouvoir ‘absorber’ harmonieusement le nouvel habitat. Une quarantaine de logements, accompagnés de quelques commerces bien choisis, dans un environnement serein de jardin citadin peuvent devenir un réel atout pour le quartier.

Cet enjeu possède le potentiel d’un projet pilote, puisqu’il permettra de ‘payer moins pour avoir plus’.